Propriétaire : pouvez-vous louer un bien gratuitement à votre enfant ?

Par Mustapha Azzouz | Mis à jour le 14/12/2021 à 09:54
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Louer ou acheter un bien immobilier, cela a un prix que tout jeune actif n’est pas forcément prêt à assumer. Certains sont tentés de mettre gratuitement à disposition de leur enfant un logement dont ils sont propriétaires pour lui venir en aide. Mais si cette pratique est légale, elle n’est pas toujours sans conséquences… Que risquez-vous à loger votre enfant dans votre résidence secondaire ou votre logement locatif sans lui faire payer de loyer ? Découvrez-le dans cet article !

Loger un enfant gratuitement : quelle qualification juridique ?

En principe, lorsqu’un enfant occupe gratuitement et de manière prolongée le logement de ses parents, autre que la résidence principale, cela entre dans le cadre de l’obligation d’entretien. Elle perdure une fois l’enfant devenu majeur. Mais attention, dans certains cas, l’obligation d’entretien peut être requalifiée en donation indirecte

Obligation d’entretien ou donation indirecte : où vous situez-vous ?

Entre ces deux qualifications juridiques, la frontière est parfois mince. Mais comme nous allons le voir, cela peut tout changer, notamment en matière de succession.

Cas de figure relevant de l’obligation d’entretien

Les parents sont tenus de subvenir aux besoins de leur enfant, même majeur, si celui-ci n’est pas en mesure de le faire par lui-même. Cela suppose, entre autres, de l’aider à payer son loyer ou de mettre gratuitement un logement à sa disposition. On parle alors d’avantage en nature.

Cette aide relève de l’obligation d’entretien, du moment que l’enfant est étudiant (et ne perçoit donc pas ou peu de revenus) ou qu’il est fragile financièrement (emploi précaire, chômage, maladie…). Dans l’une ou l’autre de ces situations, les parents agissent sans intention libérale. La mise à disposition gratuite du logement au profit d’un enfant majeur n’entraîne alors aucune conséquence quant à l’égalité entre les enfants. De fait, l’avantage financier procuré par la mise à disposition gratuite du bien n’entre pas en ligne de compte au moment du règlement de la succession.

À noter : pas de durée maximum fixée

Quelle que soit la durée de l’aide financière, la libéralité ne peut pas être caractérisée dès lors que l’enfant reste dans le besoin.

Dans ce cadre, les parents peuvent déduire une pension alimentaire de leurs revenus, à la seule condition que l’enfant ne soit plus rattaché à leur foyer fiscal. Son montant dépend de leur niveau de revenus, de leurs charges et des besoins de l’enfant.

Cas de figure relevant de la donation indirecte

Par contre, si l’enfant majeur hébergé gratuitement dans un bien appartenant à ses parents a fini ses études et qu’il justifie d’une situation stable, avec des revenus suffisants pour se loger, les choses se corsent. S’il y a d’autres enfants, ceux-ci peuvent estimer qu’ils ont été désavantagés. L’enfant bénéficiant de cet avantage en nature n’a rien à débourser pour se loger. Il peut donc se constituer une épargne. Les enfants lésés peuvent alors réclamer en justice une requalification de l’obligation d’entretien en donation indirecte.

Cette donation serait alors prise en compte dans le calcul :

  • De la réserve héréditaire, c’est-à-dire la part de succession destinée aux héritiers réservataires (en l’occurrence les enfants, ou leurs descendants en cas de décès) ;
  • Mais aussi de la quotité disponible, c’est-à-dire la part de succession ne faisant pas partie de la réserve héréditaire et dont le défunt a pu disposer librement.

Si l’intention libérale – et donc par extension, la donation – est retenue par le juge, le montant de l’avantage dont a bénéficié l’enfant logé gratuitement sera calculé sur la base de la valeur locative du bien occupé. Une éventuelle décote pourra être appliquée suivant le degré de précarité de l’enfant. Ce dernier devra ensuite rapporter à la succession de ses parents les loyers non versés durant tout le temps d’occupation. Deux options sont possibles :

  • Verser une indemnité à ses frères et sœurs ;
  • Ou bien, réduire sa part dans la succession.

Comment éviter les contentieux familiaux ?

Pour prévenir les conflits familiaux liés à la mise à disposition gratuite d’un logement au profit d’un enfant, les parents ont tout intérêt à acter leur démarche. C’est possible par le biais de différents outils juridiques :

  • Le prêt à usage (encore appelé commodat) : permet à l’enfant d’utiliser le bien sans contrepartie financière ; charge ensuite à lui de le restituer à la date fixée ;
  • La donation d’usufruit temporaire et préciputaire : elle confère à l’enfant un droit d’usage du bien sur une durée déterminée, sans que l’avantage consenti ampute sa part réservataire ;
  • L’exclusion du rapport de l’avantage par testament : l’avantage serait alors imputable uniquement à la quotité disponible.

Loger son enfant à titre gracieux et de manière durable n’est pas un acte anodin. Au moindre doute, mieux vaut faire appel à un conseiller en patrimoine.

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